Les différents types d’approvisionnement pour les centrales à biomasse solide
Les centrales à biomasse solide de Guyane fonctionnent à partir de bois, beaucoup de bois. Il faut prévoir de l’ordre de 11 000 tonnes de bois tous les ans pour chaque mégawatt (MW) installé. Ainsi actuellement, pour faire fonctionner les 4 centrales en place (16 MW), il faut de l’ordre de 180 000 tonnes de bois par an. Pour alimenter les 3 centrales en projet (20 MW), il faudrait 220 000 tonnes de plus, soit environ 400 000 tonnes chaque année. Pour tenir les objectifs de l’actuelle PPE, il faudrait disposer de 690 000 tonnes chaque année d’ici 2030.
D’où viendrait tout ce bois ? Détaillons ici les sources d’approvisionnement envisagées par les acteurs à ce jour.
Les déchets
Dans cette catégorie on retrouve tout d’abord les déchets industriels ou domestiques de bois de classe A (bois de chantier et de démolition, meubles, déchets résultant de l’utilisation des emballages en bois (palettes, caisses ou emballages en bois léger)). Cette filière naissante pourrait fournir de l’ordre de 3 000 à 4 000 tonnes de bois par an en Guyane.
On retrouve ensuite les connexes de scierie, ces parties des grumes qui sont non transformées en bois d’ouvrage. Les rendements de sciage actuel sont faibles, de sorte que seul un tiers du matériau est véritablement valorisé sous forme de sciage. Les deux tiers restants sont considérés comme des déchets.
Enfin on peut inclure dans cette catégorie les résidus d’exploitation du bois d’œuvre en forêt naturelle. Il s’agit de branches et troncs qui sont tombés après l’abattage d’un arbre dans le cadre légal et durable de l’exploitation à faible impact en forêt naturelle. Cette exploitation est réalisée sous le contrôle de l’Office National des Forêts (ONF) dans le Domaine Forestier Permanent (DFP). L’ONF estime que chaque m3 de bois d’œuvre extrait du DFP génère de l’ordre d’une tonne de connexes.
Ce sont ces connexes de scierie et d’exploitation en forêt naturelle qui alimentent principalement les centrales de Guyane actuellement, pour un volume de l’ordre de 120 000 tonnes par an, réparties à parts égales entre déchets de scierie et connexes d’exploitation.
La défriche agricole
Au moins 1000 hectares sont défrichés chaque année en Guyane pour les besoins de l’agriculture. Pour le moment ce bois est majoritairement brûlé sur place. Les promoteurs de la biomasse souhaiteraient pouvoir l’utiliser dans les centrales électriques, ce qui représenterait de l’ordre de 170 000 tonnes de bois tous les ans.
Les bois ennoyés de Petit Saut
Lors de la mise en eau du barrage de Petit Saut en 1994, 365 km² de forêt ont été engloutis. 30 ans plus tard, en raison de la privation d’oxygène et d’une composition difficilement dégradable, seuls 20% des troncs ont été décomposés1. L’entreprise Triton Guyane, entreprise du groupe Voltalia depuis fin 2019, prévoit d’extraire une majorité de ces bois. Pour ce faire, l’industriel emploie des engins nommés “SHARC” et constitués d’une scie immergeable montée sur une barge. Il faut entre 3 et 5 minutes à cette machine pour couper un arbre. Ainsi, chaque SHARC pourrait couper 120 arbres par jour.
Bien que présenté comme une source de bois d’œuvre, pour notre association, la vocation première de ce projet est de produire de l’électricité à partir de bois. En effet les ¾ des bois prélevés à Petit Saut seront directement broyés en plaquettes énergie. Et puisque 2/3 du bois d’œuvre sont perdus en connexes lors du passage en scierie, 92% des bois de Petit-Saut finiraient brûlés dans les centrales à biomasse.
En travaillant sur la moitié de la surface engloutie, Triton espère pouvoir produire de l’ordre de 135 000 tonnes de bois énergie chaque année pendant 25 ans. Ce bois devrait majoritairement alimenter la centrale de SBE mais d’autres centrales pourraient également en bénéficier, notamment sur Kourou (centrale Voltalia, centrales IDEX du CSG, voir notre article dédié).
L’extraction des bois de Petit Saut a débuté dès 2023. A terme, trois engins Sharc seraient déployés, coupant plus de 300 troncs tous les jours.
Les plantations
A court terme, les centrales opèrent à flux tendu, où la moindre défaillance en approvisionnement de bois oblige à interrompre la fourniture en électricité.
A moyen terme, d’ici 2050 ans, lorsque l’expansion agricole aura cessé et que tous les bois auront été retirés de Petit-Saut, chaque année il ne resterait plus que 120 000 tonnes de bois disponibles, issues de l’industrie du bois d’œuvre et de l’exploitation en forêt naturelle. Comment alimenter alors les centrales biomasse qui nécessitent au moins 400 000 tonnes par an ?
Les promoteurs de la biomasse plaident ainsi en faveur du développement de plantations, technique qui consiste à déboiser une parcelle de forêt naturelle puis à planter des espèces à des fins totalement ou partiellement énergétiques, faisant payer un lourd tribut au climat et à la biodiversité (voir notre article sur les conséquences).
Le concept de plantation a un double intérêt pour les acteurs de la biomasse :
- la déforestation génère du bois qui peut être directement vendu aux centrales électriques,
- les plantations qui se feront sur les parcelles déforestées généreraient à intervalles réguliers (de une à quelques années) du bois énergie.
Derrière le terme de “plantations” se cachent plusieurs typologies de projets que nous allons détailler ci-après.
Les types et projets de plantations
Les plantations agricoles
Elles consistent à utiliser une partie des surfaces agricoles pour la production de combustible pour les centrales à biomasse. Grâce au décret du 28 décembre 2023 (voir notre article sur les textes de loi), jusqu’à 15% de la surface agricole de la Guyane pourrait être dédiée aux bioénergies. Ces plantations pourraient être uniquement ou partiellement dédiées à la production de bioénergie.
Les plantations agricoles complètement dédiées à la bioénergie
Il s’agit de plantations agricoles comprenant les cannes fibre, le bambou ou encore le sorgo par exemple. A notre connaissance, seule la canne fibre a fait l’objet de recherches en Guyane pour l’instant.
La canne fibre appartient à la même famille que les cannes sucrières traditionnelles à cela qu’elles contiennent moins de sucre et présentent une croissance très rapide. Leurs tiges de 1 à 3 cm de diamètre peuvent atteindre 4 à 6 m de haut en 9 à 12 mois. On peut donc récolter la canne fibre tous les ans (avec un rendement de l’ordre de 30 à 40 tonnes à 45% d’humidité par hectare) et laisser le plant initial repousser. Ces plantes présentent un rendement énergétique similaire à celui du bois (2,5 MWh/t) mais leur composition (présence de chlore ou de silice) ne leur permet pas d’être exploitées par toutes les centrales électriques.
Les plantations agricoles partiellement dédiées à la bioénergie
Il s’agit de systèmes mixtes comprenant des plantations d’arbres et / ou des produits agricoles intercalés aux plantations énergétiques. Le terme d’“agroforesterie” est régulièrement employé pour les désigner. Précisions que l’organisation World Agroforestry et le Centre de recherche forestière internationale (CIFOR) définissent l’agroforesterie comme “un système dynamique de gestion des ressources naturelles qui intègre des arbres dans les exploitations agricoles et le paysage rural et permet ainsi de diversifier et maintenir la production afin d’améliorer les conditions sociales, économiques et environnementales de l’ensemble des utilisateurs de la terre ».
Si la production de bois peut être un coproduit de l’agroforesterie, il ne peut en être le premier objectif. Remarquons également que l’Association Française d’Agroforesterie recommande, avant de planter des arbres, de “tout d’abord, bien gérer l’existant (haies, bosquets, ripisylves), puis protéger ce qui commence à pousser naturellement (régénération naturelle assistée)”.
Les projets
Living Lab Iracoubo
Un démonstrateur intitulé “Living Lab Iracoubo” a été mis en œuvre entre 2019 et 2022 dans le bassin d’Iracoubo par Guyane Forest Initiative, entreprise fondée par Robert Dardanne, l’homme d’affaires qui est également à l’origine de Voltalia. Ce projet a consisté à planter sur 100 ha des arbres ou des plantes non ligneuses fixatrices d’azote qui pourraient contribuer à la réhabilitation des parcelles. Le procédé devait être étendu au 3000 ha du bassin d’Iracoubo.
A cette heure, ce projet semble abandonné, le bassin d’Iracoubo ne se prêtant pas à la culture énergétique.
Cann’Innov
Le projet Cann’Innov, lui aussi porté par Guyane Forest Initiative, ainsi que par la société Energreen, spécialisée dans l’approvisionnement en biomasse énergie, s’est déroulé de 2016 à 2022. Des plantations de diverses espèces de cannes fibre ont été réalisées sur 3 sites : Saint Laurent du Maroni (dans le bassin de production de cannes sucrières), Iracoubo (sur une défriche de forêt), Sinnamary (sur les savanes de Corossony).
Ce projet a mis en évidence que la canne pouvait s’implanter sur un large spectre de sol, hors savanes. Néanmoins sa moisson nécessite l’emploi d’engins mécanisés, ce qui n’est pas le cas actuellement dans l’Ouest guyanais typiquement.
A cette heure nous ne connaissons pas les développements qui suivront cette expérimentation.
Quel volume de production ?
Différents chiffres ont été annoncés ces dernières années, oscillant entre 110 et 160 000 tonnes de biomasse produites chaque année.
Récemment, l’association biomasse assurait à notre association vouloir développer les plantations simplement pour assurer une alimentation de secours, avec des surfaces qui se limiteraient à 500 ha. Ceci permettrait en théorie de produire de l’ordre de 20 000 tonnes de biomasse annuellement. Rappelons que le décret du 28 décembre 2023 (voir notre article sur les textes de loi) autorise à consacrer jusqu’à 15% de la surface agricole aux plantations énergétiques. A court terme ceci pourrait représenter de l’ordre de 6 000 hectares, soit de l’ordre de 240 000 tonnes de biomasse produites tous les ans.
Les plantations sylvicoles
Elles consistent à déforester des parcelles de forêts naturelles pour mettre en place des arbres calibrés et dont on contrôle la croissance. On peut distinguer deux grandes catégories de plantations : celles dédiées au bois énergie et celles dédiées au bois d’œuvre.
Les plantations énergies
Les plantations dédiées au bois énergie seraient composées de taillis à courtes rotations. Les arbustes sont récoltés pour être transformés en combustible à des fins de production d’énergie.
Une expérimentation de plantation d’arbres à finalité purement énergétique a été conduite par l’ONF et l’ADEME à Balata / Saut-Léodate en 2011. Elle avait conclu que “la biomasse issue de forêt naturelle est une ressource qui n’est qu’en partie « renouvelable » : la première rotation de coupe équivaut à la destruction d’un stock de carbone vieux de plusieurs siècles qui ne peut donc pas être intégralement reconstitué dans un laps de temps compatible avec un itinéraire de production économiquement rentable”. L’expérimentation avait démontré que ce modèle émettait autant de gaz à effet de serre qu’une centrale à fioul sur 100 ans. Même en tentant de l’optimiser, il fallait plus de 50 ans de fonctionnement avant de pouvoir concurrencer la production électrique par fioul en termes d’impact sur le changement climatique.
A cette heure, bien que cette typologie de plantation soit avancée par la Politique forestière du territoire guyanais, notre association n’a pas connaissance de la concrétisation de tels projets.
Les plantations de bois d’œuvre
Pourquoi ?
Aujourd’hui le modèle vertueux de l’Exploitation à Faible Impact (voir notre article sur la production électrique par biomasse) atteint certaines limites. Tout d’abord il nécessite d’aller toujours plus loin en forêt ce qui augmente les coûts financiers et écologiques du bois extrait. Deuxièmement, le volume de production est insuffisant pour couvrir la demande en bois de construction dans une Guyane en forte croissance démographique. Enfin, le changement climatique affecte déjà nos forêts et les prévisions montrent qu’il faudrait augmenter plus ou moins les temps de régénération (fixés à 65 ans actuellement) selon l’évolution de la dégradation.
Pour résoudre cette équation, le Programme Régional de la Forêt et du Bois du Guyane (PRFB), validé en 2020, envisage de développer des plantations dédiées à la production de bois d’œuvre en parallèle de l’exploitation en forêt naturelle. Le concept est le suivant : on abat une forêt naturelle pour planter des arbres sélectionnés à la place. Au bout d’une trentaine ou d’une quarantaine d’années, les arbres sont coupés en tant que bois d’œuvre et de nouveaux arbres sont plantés à la place.
Quel intérêt pour la biomasse énergie ?
Ce système produit du bois tout au long de sa production, non uniquement lors de la coupe finale. En effet, les arbres sont plantés en grand nombre, afin de favoriser le « gainage » : le fait que l’arbre pousse droit afin de chercher la lumière, ne développant pas trop de branches ou de fourches, défavorables à la qualité de la grume. Au fil de la croissance des arbres, des coupes « d’éclaircies » (tous les 10 ans par exemple) sont réalisées pour libérer de la place pour les arbres les plus prometteurs. Ces coupes génèrent du bois qui serait utilisé pour les centrales électriques à biomasse.
Pour les gestionnaires, le bois énergie vendu permet un apport financier tout au long de la durée de vie de la plantation, et pas seulement lors de la vente du bois d’œuvre.
Quel volume de production ?
Le PRFB envisageait de défricher 5 000 ha sur 10 ans pour réaliser une première série de plantations forestières. Cette seule défriche générerait annuellement au moins 85 000 tonnes de bois sur la décennie.
A terme, le PRFB ambitionne de créer 20 000 ha de surface utile de plantations. Avec une hypothèse de 500 ha par an, la création de ces 20 000 ha fournirait du bois de défriche pendant 30 ans encore (à raison d’au moins 85 000 tonnes par an).
Loin de ces projections, l’ONF n’est pour le moment qu’au stade de l’expérimentation. Un test soutenu par l’ADEME concernant deux fois 15 ha de plantations vient de débuter, avec des résultats attendus pour 2028.
Quelles essences ?
Depuis les années 70, plusieurs programmes de plantations ont été menés en Guyane, sans jamais aboutir à l’exploitation des bois. Un programme de R&D mené depuis 2013 le CIRAD et l’ONF (ForesTreeCulture 1 et 2) a cherché à tester le comportement en plantation de 4 espèces jugées prometteuses (2 endogènes : Cèdre Sam et Bagasse et 2 exogènes : Teck et Niangon). Cette étude a notamment démontré que le Teck n’était pas adapté à la Guyane et a conduit l’ONF à mener d’autres tests pour mieux contrôler les paramètres de plantation.
Ainsi le nouveau test qui vient de débuter consisterait à éviter les monocultures en travaillant avec des espèces locales et diversifiées (4-5 essences par plantations : bagasse, cèdre sable, …). Ces espèces seraient à choisir en fonction du type de sol où s’effectue la plantation.
Quelles localisations ?
D’après l’ONF, le Domaine Forestier Permanent (DFP) portant bien son nom, il devrait rester intact, poussant à localiser les plantations sur la bande littorale. En l’absence de changement d’usage des sols (les plantations forestières sont considérées comme des forêts), les surfaces concernées resteraient classées en espace forestier et ces plantations n’entreraient pas en concurrence avec la production agricole.
Notre association reste tout de même inquiète, suite à la carte publiée en 2022 dans la Politique forestière du territoire guyanais, et qui envisage que des plantations puissent être réalisées sur le DFP et les zones d’adhésion du Parc Amazonien de Guyane.
Source : Politique forestière du territoire guyanais – CTG 2022
Maillet Innovation Agroforestière (MIA)
A mi-chemin entre les plantations agricoles et sylvicoles, le projet MIA, porté par l’entreprise Maillet Forestal et présenté à la CTG en 2019, consiste en une concession hors DFP de 10 700 hectares de l’Etat sur la commune de Kourou, empiétant sur des zones agricoles et naturelles. D’après nos informations le projet prévoit dans un premier temps de défricher 3 700 ha pour laisser place à :
- 1000 ha de bois d’oeuvre :
- Teck de Malaisie (Tectona grandis)
- Bagasse (Bagassa guianensis),
- 2000 ha de bois énergie :
- Clitoria Fairchildiana,
- Inga (pois sucré),
- Gliricidia sepium
- 30 ha d’arbres à vocation alimentaire :
- Cacao (Cacao Theobroma Guiana)
- Café Arabusta
La simple défriche de ces 3 700 ha générerait directement au moins 500 000 tonnes de bois rémunérées aux alentours de 90€ la tonne en biomasse énergie, ce qui peut générer plusieurs millions d’euros de bénéfice avant même de planter.
Le projet MIA est décrit par ses promoteurs comme de l’agroforesterie. De son côté, Maiouri Nature Guyane partage le constat du WWF1 qui indiquait que, le modèle économique étant essentiellement dépendant de la déforestation initiale, cette initiative ne peut être qualifiée de projet agroforestier.
Actuellement une phase pilote est lancée avec un projet de bois d’œuvre de 200 ha utiles répartis sur 1000 ha appartenant à l’Etat, via une convention d’occupation de longue durée. Le plan d’aménagement serait toujours en cours d’étude et à faire valider par l’ONF.
Faisons les comptes
A court terme, la filière biomasse énergie compte s’approvisionner sur des gisements non durables : défriche agricole (qui devrait s’estomper à partir de 2040), utilisation des bois de Petit Saut (qui devraient être tous sortis d’eau d’ici 2050) voire bois issus de la défriche pour la création de plantations forestières. Pendant deux ou trois décennies, ces gisements peuvent ainsi fournir de l’ordre de 430 000 tonnes de bois par an. Ceci est compatible avec les besoins des centrales électriques à biomasse existantes et en projet (environ 400 000 tonnes par an).
Sur le moyen terme, c’est-à-dire à horizon 2040-2050, la filière biomasse ne disposera plus que du tiers de ses approvisionnements. Que faire alors ?
Une première solution consiste à arrêter définitivement les centrales biomasse comme peuvent l’envisager les industriels. Mais les Guyanais accepteront-ils de se passer de cette source d’électricité de laquelle dépendront des emplois taillés sur mesure ? Est-ce qu’il sera financièrement intéressant pour la collectivité de ne pas amortir plus ces investissements ?
L’autre option consiste à développer les plantations énergies. Pour assurer 400 000 tonnes de bois énergie par an, il faudrait de l’ordre de 10 000 ha de canne énergie. En utilisant les connexes de plantations forestières, il faudrait entre 35 000 et 40 000 ha de plantations de bois d’œuvre.
Bien évidemment, on voit que les projections de l’actuelle PPE induisant un besoin de 700 000 tonnes annuelles de bois en 2030 sont largement irréalistes.
L’approvisionnement en biomasse liquide
Quels carburants ?
A cette heure il est difficile de savoir d’où proviendrait la biomasse liquide qui alimenterait la centrale du Larivot. L’arrêté préfectoral d’autorisation environnementale pour l’exploitation de la centrale stipule que “l’utilisation de l’huile de palme et de ses dérivés est proscrite” et doivent être “en conformité avec la réglementation européenne (RED 2 notamment)”. Sur le site internet dédié à la centrale, EDF PEI rejette de son côté l’emploi d’huile de soja également et indique souhaiter recourir à l’huile de colza.
Sur l’île de La Réunion, c’est effectivement cette plante qui entre dans la fabrication du biodiesel qui alimente depuis peu la centrale électrique EDF de Port-Est. Cette centrale, 75% plus puissante que celle du Larivot (12 moteurs délivrant 212 MW), devrait consommer 200 000 tonnes d’huile par an ce qui laisse supposer que de l’ordre de 100 000 tonnes d’huile seraient nécessaires pour le Larivot.
Quelle origine ?
D’où proviendra ce colza ? D’après ce qui est rapporté par les médias, le colza utilisé à La Réunion serait un coproduit de tourteaux à destination du bétail. Pour partie issu d’OGM (“canola”), il serait cultivé en Australie, au Canada et en Union Européenne, tandis que son huile serait raffinée en hexagone par le groupe Avril-Sofiprotéol (présidé par Arnaud Rousseau, le président de la FNSEA).
Pour autant, EDF PEI décrit l’installation du Larivot comme “un pilier pour l’émergence d’une filière biomasse liquide”. Des propos qui font écho à la lettre du Sénateur Patient au Président de la République du 28 février 2024 qui écrivait : “C’est également soutenir le développement d’une filière de production de biomasse liquide pour la centrale du Larivot. Il est aberrant de prévoir d’importer depuis l’Europe des tonnes d’huile alors qu’elle pourrait être produite sur place. Le palmier à huile à un rendement qui le rend tout à fait compétitif”. La Guyane pourrait-elle développer des plantations à biomasse liquide ? Si actuellement le décret découlant de la directive européenne RED II ne le permet pas, la dernière révision de cette directive, RED III, intègre désormais la possibilité pour les territoires ultrapériphériques de produire des biocarburants (voir notre article sur les textes de loi).
Si elles étaient produites localement comme le souhaite le sénateur Patient, ces 100 000 tonnes annuelles d’huile de palme nécessiteraient de l’ordre de 27 000 hectares de plantation2.
Références
2. Le rendement moyen de palmier à huile est de l’ordre de 3,7 tonnes par hectare et par an (Technique de l’ingénieur : Huile de palme – Défis renouvelés de la durabilité)