D’où provient l’énergie consommée en Guyane ?

Renouvelable, fossile, de quoi parle-t-on ?

Pour comprendre ce qui suit, il est important de bien définir certaines notions.

Le terme “énergies renouvelables” désigne des énergies provenant de sources naturelles qui se renouvellent à un rythme supérieur à celui de leur consommation. Le rayonnement du soleil et la force du vent, par exemple, constituent de telles sources qui se renouvellent constamment.

Le terme “énergies fossiles” désigne le pétrole, le gaz et le charbon. Ces ressources ont mis des millions d’années à se constituer et sont donc considérées comme non renouvelables. Elles occupent une place centrale dans le fonctionnement de toutes les sociétés modernes en fournissant 85% de l’énergie dans le monde. Elles font également peser une double menace imminente :

Leur utilisation (combustion) libère des quantités massives de CO2, un gaz à effet de serre, conduisant au changement climatique accéléré en cours dans le monde et en Guyane.

 

Les quantités disponibles fondent à vue d’œil alors que les besoins mondiaux explosent. Pour le pétrole, énergie reine, des projections récentes tablent sur une division par deux de la production des principaux fournisseurs de l’Union Européenne d’ici seulement 25 ans.1

La Guyane, un territoire marqué par une grande dépendance aux énergies fossiles

Lorsque l’on parle “énergie” on pense souvent “électricité”. Or l’électricité n’est qu’une forme d’énergie. En effet, notamment en raison du fait que nos véhicules se déplacent quasi-exclusivement avec du pétrole, la Guyane dépend très largement des énergies fossiles.

 

 

Source : Bilan Energétique Régional (BER) 2015

Ainsi, au final, plus de 80% de l’énergie guyanaise provient des énergies fossiles, principalement du pétrole.

 

 

Source : Bilan Energétique Régional (BER) 2015

 

La production d’électricité aujourd’hui

La Guyane, championne de l’électricité renouvelable… mais encore très dépendante des énergies fossiles

Pour ce qui est de la production électrique, la Guyane se distingue des autres régions françaises : il s’agit de celle intégrant le plus haut niveau d’énergie renouvelable. En effet, très largement grâce à la production électrique du barrage de Petit-Saut, jusqu’à 70% de l’électricité de Guyane est d’origine renouvelable.

On constate par ailleurs que la production d’électricité renouvelable par centrales solaires photovoltaïques et par centrales à biomasse est encore marginale à ce jour.

Enfin, la production d’électricité à partir de moyens thermiques, c’est-à-dire à partir de pétrole (diesel, fioul), une source non renouvelable, couvre les besoins complémentaires du territoire. Les années où la pluie fait défaut, le barrage de Petit-Saut produit moins et les centrales thermiques produisent plus pour compenser : jusqu’à la moitié de l’électricité de Guyane peut alors être d’origine non renouvelable.

Qui produit l’électricité en Guyane ?

Si EDF est l’unique responsable de la gestion du réseau électrique et qu’il gère les plus grosses centrales (Dégrad-des-Cannes, Petit Saut), l’électricité provient également de producteurs indépendants. On retrouve notamment Voltalia qui gère deux centrales à biomasse et une centrale photovoltaïque ainsi que Albioma qui possède une centrale photovoltaïque à Kourou.

Nouveau producteur sur le territoire, IDEX vient d’ouvrir une centrale à biomasse à Montsinéry.

Enfin Abiodis gère une centrale à biomasse non connectée au réseau à Saint-Georges.

 

Le transport d’électricité, talon d’Achille de la Guyane

La Guyane n’étant pas connectée électriquement aux pays frontaliers, elle est qualifiée de Zone Non Interconnectée (ZNI). L’intégralité de l’électricité alimentant le littoral est transportée de Saint-Laurent à Cayenne par une seule principale ligne électrique à haute tension (90 000 V) passant par Petit Saut. Cette unique ligne électrique est un point de fragilité à deux égards :

  • en cas d’incident, la majorité du territoire est impactée, comme ce fut le cas en août 2023,
  • la ligne est déjà chargée à la limite de ses capacités, ce qui complique pour le moment le développement de nouveaux projets.

Les communes de l’intérieur et Saint-Georges ne sont pas connectées au réseau et disposent de leurs propres petites centrales (il s’agit bien souvent de groupes électrogènes couplés de plus en plus souvent à des panneaux solaires).

Quel développement de l’électricité en Guyane

Le développement de l’électricité en Guyane est porté par deux paramètres structurants : l’évolution démographique et la nécessaire décarbonation.

La décarbonation de l’énergie

Le terme “décarbonation” se réfère à la suppression des sources de gaz à effet de serre, notamment les énergies fossiles (pétrole, gaz, charbon). Comme présenté précédemment, entre 30 et 50% de l’électricité produite en Guyane et plus largement, 80% de l’énergie consommée en Guyane provient des énergies fossiles.

Or la loi de transition énergétique pour la croissance verte du 17 août 2015 impose de “parvenir à l’autonomie énergétique et à un mix de production d’électricité composé à 100 % d’énergies renouvelables” d’ici 2030 dans les territoires d’Outre-mer.

Ceci impose donc un double défi pour le secteur électrique :

  • débarrasser la production électrique des énergies non renouvelables,
  • permettre à la production électrique de répondre à de nouveaux usages qui étaient jusqu’ici assurés par les énergies fossiles (typiquement le développement des transports électriques).

 

Évolution démographique

La Guyane est le territoire français affichant le plus fort taux de natalité après Mayotte.

En conséquence, l’INSEE projette une augmentation de la population de plus de 40% d’ici 2050, avec 428 000 habitants. Son scénario haut prévoit jusqu’à 513 000 habitants, soit 70% d’augmentation par rapport à aujourd’hui. L’INSEE envisage également un scénario bas situé aux alentours de 385 000 habitants soit moins de 30% d’augmentation. Actuellement, avec 300 000 habitants en 2023, la Guyane suit la trajectoire de référence.

A noter que le Schéma d’Aménagement Régional (SAR) tablait en 2016 sur 515 000 habitants d’ici 2030, démontrant que les prévisions sont parfois largement exagérées et ne doivent pas être suivies aveuglément.

Cette augmentation de population doit-elle pour autant se refléter directement dans la production électrique ? Sur les 5 dernières années, la production électrique a augmenté deux fois moins vite que la population.

Concernant l’avenir, à court terme (2028), EDF envisage que la consommation d’énergie puisse augmenter 4 fois moins vite que la population, si des actions de “Maîtrise De l’Energie” (isolation thermique, chauffe-eaux solaires) sont efficacement mises en œuvre. Dans la négative, la consommation suivrait l’évolution de la population, soit +10% d’ici 2028. Dans notre article dédié aux alternatives à la biomasse nous entrons plus en détail dans les projections de consommation du territoire.

 

La Programmation Pluriannuelle de l’Energie (PPE)

La programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) est un dispositif qui a été introduit par la loi de transition énergétique pour la croissance verte du 17 août 2015. Plusieurs PPE doivent être élaborées en France : une pour la France métropolitaine, et une dans chaque zone non interconnectée au réseau électrique de l’hexagone. En Guyane, c’est l’État et la collectivité territoriale de Guyane (CTG) qui sont chargés de co-élaborer la PPE.

La PPE a pour mission d’évaluer les besoins du territoire en énergie, puis de déterminer les actions prioritaires pour permettre d’y répondre en termes d’infrastructures de production d’énergie, d’extension des réseaux électriques, de réalisation d’études.

La PPE en cours couvre la période 2016-2023. Elle couvre la garantie de la sécurité d’approvisionnement énergétique, l’amélioration de l’efficacité énergétique et la baisse de la consommation d’électricité, l’amélioration de l’accès à l’énergie dans les communes de l’intérieur et enfin le soutien des énergies renouvelables ; avec un volet spécifique pour la biomasse.

Comme on peut le voir sur ce graphique, l’actuelle PPE misait sur un très fort développement de la biomasse et du photovoltaïque (PV) avec stockage. Ainsi, avec seulement 1,7MW de centrales électriques installées en 2014, la PPE planifiait de multiplier par plus de 35 la puissance installée en Guyane en 15 ans, pour atteindre 60 MW.

 

Cette énorme évolution nous interpelle pour les raisons que nous détaillons à travers la page dédiée à la production d’électricité par biomasse.